Mardi 18 avril 2023, nous sommes allés à la rencontre de Claude, un passionné de cuisine solaire. C’est via une annonce parue sur leboncoin que nous avons pris contact avec lui. Nous étions à la recherche d’informations pour préparer notre journée thématique au sujet de la cuisine solaire du mois d’août.

Claude nous a reçus chez lui, à Quesnoy-sur-Airaines, un petit village de la Somme, autour d’un repas qu’il a préparé et cuit à l’aide du soleil en cette journée assez nuageuse. Par chance, le vent venu lui aussi du Pas-de-Calais a réussi à disperser les brumes matinales. Journaliste à la retraite, il propose de partager son expérience de la cuisson solaire et d’effectuer des démonstrations d’utilisation de ses différents fours. Il expérimente l’utilisation de l’énergie solaire depuis une quinzaine d’année par la production d’électricité à l’aide de panneaux photovoltaïques (épaulés par des éoliennes en hiver) mais aussi avec des appareils de cuisson solaire non électriques (en effet, certains fours sont mixtes et peuvent s’alimenter avec de l’énergie solaire mais aussi de l’électricité).

Il a posté cette annonce l’été dernier, quand les prix de l’énergie se sont envolés, parce qu’il a envie de faire découvrir à d’autres personnes « que l’on peut utiliser l’énergie solaire par plaisir, pour l’aspect pratique, ainsi que pour l’aspect financier ». Nous avons affaire à un homme passionné par son sujet qui, au fil de ses expériences, s’est constitué un équipement de cuisson solaire diversifié. Mais la question de la production et de la consommation d’énergie l’intéresse depuis beaucoup plus longtemps…

« Ça a débuté à l’adolescence, j’étais alors militant anti-nucléaire et je lisais régulièrement le journal La Gueule Ouverte. C’était un journal écolo des années 1970, on y trouvait beaucoup d’informations sur l’écologie politique, les mouvements pacifistes, le féminisme, la protection de l’environnement et en particulier les risques liés au développement de l’énergie nucléaire. Dans ce domaine, il y avait beaucoup de données référencées mises à la disposition des lecteurs, par exemple la liste détaillée de tous les accidents nucléaires — civils et militaires — qui étaient survenus dans le monde depuis la découverte de la radioactivité. Comme je connaissais le sujet sur le bout des doigts, il m’est arrivé un jour d’intervenir pour réaliser un exposé devant mes camarades de classe, à la demande de mon professeur de physique. J’étais en mesure de décrire les différents types de réacteurs (filières graphite-gaz, à eau bouillante et à eau pressurisée, surrégénérateurs…) et d’en expliquer les principes généraux de fonctionnement. Je connaissais également bien les caractéristiques des principaux sous-produits de fission relâchés habituellement ou accidentellement par l’industrie nucléaire (les périodes de demi-vie des isotopes radioactifs, leur effets biologiques potentiels, leurs périodes de demi-vie biologique…). Avec le recul, je considère toujours qu’il était juste de se mobiliser contre le nucléaire à cette époque. L’histoire nous a malheureusement donné raison avec les catastrophes majeures de Tchernobyl et Fukushima. Mais aujourd’hui, mon avis est moins tranché avec la crise climatique qui se préfigure. Les énergies fossiles représentaient 80,2 % du total de la consommation mondiale  d’énergie en 2019 et cette part n’avait pratiquement pas bougé depuis dix ans. Dans le même temps, la part des énergies renouvelables n’est passée que de 8,7 % à 11,2 % (chiffres de 2019 également). »

C’est par des anecdotes et des astuces que Claude attise notre curiosité : « Quand vous mettez un œuf dans un sac plastique noir, et que vous placez ce sac dans un bocal en verre rempli d’eau et fermé, l’œuf va finir par cuire en étant exposé simplement devant les rayons du soleil en été. J’ai envie de partager ce que j’ai appris et, aujourd’hui plus que jamais, l’énergie solaire, qui est inépuisable et gratuite, m’apparait comme une solution pertinente et économe. Chacun peut la mettre en œuvre à son échelle et gagner une petite part d’autonomie. »
En discutant avec Claude, on s’aperçoit que cuisiner avec le solaire, c’est aussi une philosophie et une façon d’aborder la cuisine différemment : « Lorsque l’on cuisine avec le soleil, on prend nécessairement son temps. On peut préparer des plats un peu sophistiqués (comme le tian) ou simplement couper une courgette avec un filet d’huile d’olive et quelques plantes aromatiques du jardin, et l’enfourner, c’est toujours savoureux, En plus, ça ne risque pas de brûler, ça chauffe tranquillement. On peut d’ailleurs cuisiner en plein hiver, même quand les températures sont très fraîches, à partir du moment où il y a du soleil. La seule condition à respecter : il faut que le soleil ne soit pas diffus mais brille suffisamment pour générer des ombres. Bien sûr, le printemps et l’été sont généralement les saisons les plus propices pour ce qui concerne les conditions météorologiques (essentiellement la couverture nuageuse). »

La cuisine avec le soleil, c’est l’affaire des papilles, des saveurs des produits que l’on cuisine. Qu’on ne s’y trompe pas, Claude pratique la cuisson avec le soleil parce qu’il aime cuisiner :  « La particularité de la cuisson solaire, c’est que cela génère une cuisson lente, avec des températures peu élevées — cela préserve les vitamines — et qui s’apparente à la cuisson à la vapeur quand on utilise certains modèles de fours solaires. Ce n’est pas comme la cuisson sèche des fours dont on a l’habitude, ici le goût des aliments est différent, il y a plus de saveurs, plus de nuances. Même si vous achetez un plat surgelé et que vous le cuisez avec un four solaire, le goût va être différent. À l’usage, on s’aperçoit que chaque modèle de four a ses spécificités. J’ai commencé avec un premier four en forme de coffret rectangulaire. On peut y cuire un bœuf mode, des tomates farcies, des plats à mijoter ou des gâteaux (si le rayonnement solaire est bien régulier). Mon second four, avec une parabole, lui est plutôt destiné à saisir de la viande dans une cocotte en fonte noire. Il focalise les rayons du soleil sur le récipient et sa température monte comme sur une plaque électrique. Et le troisième, équipé d’un tube à vide, est le plus efficient de tous : comme il est très bien isolé, il est capable de fonctionner dans des conditions vraiment difficiles, dès lors qu’il a emmagasiné suffisamment de chaleur. Ainsi, une fois passé le seuil de préchauffage, il peut maintenir une température suffisante pour la cuisson même si le soleil cesse de briller. »

Nous avons demandé à notre hôte s’il pouvait nous donner son avis sur l’évolution des coûts de l’énergie. Il nous a répondu que c’est avant tout une affaire de choix politique et économique et que le processus de formation d’un prix relève de cela. Néanmoins, et face aux enjeux climatiques, il lui a semblé important de se questionner tous sur nos consommations. En ce qui concerne les habitations en particulier, au delà des éco-gestes, il lui semble important de concevoir des bâtiments neufs peu énergivores et de faire les rénovations les plus performantes possibles. Vous pourrez retrouver Claude au mois d’ août 2023 lors de notre journée « cuisine solaire »  organisée par l’Espace Conseil France Rénov d’A Petits PAS, à Ruisseauville. Il y fera des démonstrations de cuisson avec ses différents appareils. »